Rencontre amoureuse
arlis et Joao
La fille de Marlis et Joao raconte leur rencontre, du point de vue de Marlis.
Dans ta jeunesse, tu ne connaissais pas grand-chose de l’Afrique, jusqu’au jour où celle-ci frappa à la porte de ton cœur. Tu visitais ta meilleure amie (alors voisine de celui que tu allais épouser), quand il vint frapper à sa porte pour lui emprunter son aspirateur. C’est à cet instant précis qu’a eu lieu ta rencontre si romanesque avec cet « Autre étranger ». Vos yeux se croisèrent et vos cœurs bondirent. Intrigué, l’inconnu te courtisa de façon pour le moins atypique : en faisant le poirier, cette posture d’équilibre qui consiste à tenir en appui sur la tête, les semelles levées vers le ciel. Une fois revenu les pieds sur terre, mais la tête toujours dans les étoiles, il fut ébloui par ton regard et séduit par le son de ta voix : il n’avait jamais vu une femme aussi belle que toi. Il te téléphona le lendemain et c’est alors que le charme de cet acrobate venu d’ailleurs t’envoûta. La flèche de Cupidon se faufila avec agilité dans le loquet de vos cœurs et votre histoire d’amour débuta, en 1973, dans la ville de Fribourg. Six mois plus tard, de minuscules mains toquèrent à la porte de ton ventre. Une âme déterminée força le double barrage artificiel que vous aviez installé pour venir trouver refuge dans la chaleur de ton corps.
Mais alors, tandis que ta grossesse avançait, tu compris que le père de ton futur enfant t’était « infidèle ». Son étrange maîtresse était une grande dame à la taille hors du commun, en mesure de détourner le regard et le cœur de ton homme. Elle mesurait 1 246 700 km2. Elle ne passait point inaperçue avec ses longues robes couleur savane, ses chapeaux boisés tropicaux et ses chaussures de diamants. Politicienne nationaliste, elle scandait son nom à tout va : Repubilika ya Ngola (République d’Angola).
J’ai toujours entendu ma mère clamer que l’Angola était « la maîtresse » de mon père. En effet, bien qu’ayant choisi de vivre en Suisse, le cœur de mon père ne quitta jamais vraiment son pays natal. Il aimait cette terre si profondément qu’il ne put faire autrement que de lui accorder toute son attention.
Alors que ma mère perdait les eaux, la maîtresse de mon père, elle, baignait dans un océan de félicité. Elle allait bientôt pouvoir briser les chaînes de l’oppression, respirer le parfum de la liberté et de l’Indépendance. Ma sœur aînée avait six mois, quand mon père quitta ma mère et rejoignit « sa maîtresse » pour l’aider à déterrer les racines toxiques qui rongeaient son cœur et sa chair depuis plus de 400 ans.