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[Extrait du livre] Tous Homos = Tous Humains


A-m-o-u-r, un mot de cinq lettres, qui occupe une place de choix dans le vocabulaire de mon frère, quand bien même il fut victime d’agressions homophobes verbales et physiques.

Amour et haine, deux mots composés chacun de trois voyelles et deux consonnes, qui mit bout à bout, se situent à l’extrême opposé dans l’Alphabet du Cœur. Ainsi, je ne peux citer ici les qualificatifs vénéneux prononcés à l’égard de mon frère, tant ils sont violents. Je fais aussi le choix de les censurer pour m’inscrire dans la continuité de sa parole : vaincre la haine par un message d’amour.



Dans une simplicité déconcertante, il me répondit : « être humain » et de poursuivre : « les choses essentielles n’ont pas besoin d’être expliquées avec beaucoup de mots ». Voilà une réponse simplement belle tant elle est universelle. Il se reconnaît Homme avant d’être un homme attiré par des hommes. Dans la lignée de cette vérité, il me confia aussi qu’il considérait que les êtres humains sont tous des « homos ». Dans nos relations, nous vivons effectivement des moments de proximité, d’échanges, d’amitié et de partage entre femme-femme et entre homme-homme. Être homo ne se limite pas au seul fait d’avoir des rapports intimes. Cette connotation sexuelle, collée avec de la superglue au préfixe homo est réductrice et profondément dévastatrice. Au contraire, être « homo » signifie avant tout entretenir une relation humaine, une relation d’amour inconditionnel : aimer la beauté de la personne dans sa singularité et son universalité, tisser un lien de fraternité avec elle, au-delà des clichés, des préjugés et des apparences, en toute « normalité ». Avec ces nouveaux éléments à l’appui, je me permets l’invention d’un néologisme, comme pour insuffler d’autres images derrière l’étiquette « homosexuel ». Roulement de tambour… Ce sera « homolove » ! Un mot à la rondeur enveloppante, un terme invitant à l’étreinte humaine. L’essayer, c’est l’adopter ! Faisons-lui belle publicité, placardons cette nouvelle « éthiquette » aux quatre coins de la planète !


« Tous homos » est une association de deux mots pouvant ne pas être bien comprise et que je souhaite étayer ici, pour démultiplier la puissance de ces mots. Oui, nous sommes bien « tous Homo ».

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[1]. Nous appartenons tous à la même espèce d’Homo, celle des Homo sapiens. En me documentant sur l’histoire des Homos, et pas n’importe laquelle : « La plus belle Histoire de l’Homme »[2], j’ai appris que les Homo sapiens que nous sommes auraient émigré du même endroit, le continent africain. En ce sens, nous, êtres humains, aurions tous la même origine.

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Depuis trois millions d’années, à force de migrations, nos origines sont devenues multiples et notre apparence, notre « carrosserie »[3] extérieure, à savoir la couleur[4], la forme et la dimension du corps se sont diversifiées, créant la multiplicité que nous connaissons. Par ailleurs, comprenons que ce qui nous différencie essentiellement des autres espèces animales serait notre langage verbal tout comme notre capacité à nous diversifier[5]. Alors que l’espèce humaine s’est scindée en millier d’ethnies différentes[6] possédant des idiolectes distincts, les différentes langues que nous parlons seraient dérivées d’une seule et même langue ancestrale[7].


Si nous sommes tous différents, il subsiste pourtant toujours ce quelque chose d’universel qui nous relie. Ainsi, si l’on en revient au registre de l’apparence et de la « carrosserie » extérieure, plus spécifiquement, à l’esthétique de la forme, il est admis que la quête de beauté est universelle : « le désir de se parer, de s’embellir, de se sublimer est universel dans le temps et l’espace »[8]. En revanche, nous pouvons observer une pluralité de pratiques de métamorphose et de mise en beauté autour du globe : « Corps paré, corps voilé… Peau tatouée, scarifiée ou superficiellement fardée… Crâne modelé, cou étiré, pieds bandés, lèvres, oreilles ou nez perforés…»[9]. Si nous sommes tous singuliers dans nos manières d’être, nos préférences et goûts personnels, nous formons à nous tous une créature divinement humaine, aux milliards de visages et de corps différents, dénudés ou ornés de plumes, de coquillages, d’ossements, de peintures, de maquillage, de parures végétales ou minérales, de vêtements « épargnés ou blessés »[10], « drapés ou cousus »[11].


Clic ! Nous voici tous photographiés, main dans la main, en souvenir de notre appartenance commune à la grande Famille Humaine ! Nous voici tous immortalisés, sans exception, sans distinction aucune. Personne ne manque à l’appel, pas même les peuples oubliés, ces peuples en sursis, appelés aussi « peuples premiers » ou « peuples racines »[12], véritables « Gardiens de Mère Nature »[13], dépositaires de connaissances millénaires, si indispensables à notre planète Terre. Voilà un cliché digne d’être gravé sur le disque dur de notre mémoire collective. Une image stylée méritant de faire le buzz sur Instagram et Facebook, avec le hashtag # photo du siècle. Un portrait de famille géant à encadrer avec les rayons du soleil et à épingler sur les murs du cosmos avec les étoiles, afin d’éclairer notre foyer commun et d’éblouir d’espoir le cœur de notre Terre-Mère.


Avec nos spécificités, nous, enfants de Terre-Mère, sommes tous des habitants de la planète bleue qui, à ses débuts, compta un seul continent, ce supercontinent nommé « Pangée »[14]. Au fil du temps, la Pangée se divisa en cinq[15] parties principales que nous avons désignées Océanie, Asie, Europe, Amérique, Afrique ainsi qu’en milliers d’îles. Que ce soit sur les glaces du pôle, dans les sables du Sahara, la forêt amazonienne ou les montagnes des hauts plateaux, l’être humain a su modeler son mode de vie à des environnements aussi inhospitaliers que variés[16]. L’Eau, le Feu, la Terre et l’Air ont peu à peu modifié les reliefs et nos modes de vie, créant la plus belle des œuvres d’art : « la Diversité ».


Le monde regorge d’expressions de diversité humaine et culturelle : « (…) Le monde n’est pas une image plate et terne, mais une fabuleuse tapisserie multicolore où s’entremêle une incroyable variété de cultures et de traditions. Un monde meilleur au milieu de tous les mondes qui habitent notre terre »[17]. Ce monde meilleur, déborde d’originalités, de nuances et de merveilles. Celles-ci colorent les mécaniques de la grande horlogerie du Vivant et la bercent au tempo du cœur.


Selon les contextes, ces expressions de diversité ont aussi bien généré des dynamiques d’échanges, d’interactions et de vivre-ensemble[18] que des facteurs de séparation et de rejet.

Mais parce que nous sommes tous singuliers et donc tous « l’autre de quelqu’un », « cet autre plus commun », tel le gros, le mince, le petit, le grand, le brun, le blond, le roux, le noiraud, le clair, le foncé, le beau, le moche, le jeune, le vieux, il est capital de respecter nos différences. Une idée puissante qui enjoue mon cœur et entre en écho avec cette maxime d’Antoine de Saint-Exupéry : « Si tu diffères de moi, frère, loin de me léser, tu m’enrichis ». Ainsi, dans ce puit infini qu’est la diversité humaine, j’aime penser que le but du jeu entre les Homos éminemment singuliers, la règle du fameux jeu « Alteritas » la plus importante à respecter consiste à chérir nos différences afin de nous enrichir les uns des autres. Sans omettre ce qui nous relie et nous unifie : notre commune humanité. Il s’agit donc de considérer « l’Autre différent » comme un « même », de l’honorer tel un frère ou une sœur, de le traiter selon la règle d’or, c’est-à-dire comme nous souhaiterions être traités, dans un mouvement d’égale réciprocité. Cette pensée est au cœur d’une éthique universelle et conditionne le statut d’être humain.


Puissions-nous, Homos sapiens, qui appartenons tous à la grande communauté humaine, célébrer la pluralité des beautés singulières et honorer la condition d’humanité de l’Autre. Puissions-nous, Tribu des Hommes, le Temps d’un Rêve, rougir d’Amour, devant la beauté de notre planète bleue et tomber amoureux de tous ses peuples, sans exception. Puissions-nous, enfants de Terre-Mère, nous inscrire dans cette réalité puissante qu’est la « Beauté Monde », continuer à broder, tresser, perler, décorer le « fil de l’humanité » avec les couleurs arc-en-ciel.

------------------------------------------ [1] Une formule défendue également par le Musée de l’Homme de Paris. Pour consulter le site internet du musée, se rendre à l’adresse : http://www.museedelhomme.fr/fr/sommes-nous-tous-homo [2] Langaney A./ Clottes J./ Guilaine J./ Simonnet D., La plus belle histoire de l’Homme. Comment la terre devint humaine, Seuil, 1998. [3] Ibid, p.65. [4] « Au fil des générations, l’Homme a quitté l’Afrique et a conquis le monde. Il s’est trouvé en contact avec des environnements très différents et son physique a été sélectionné. La couleur de la peau fait partie de ces caractères qui déterminent cette sélection : les régions où les rayons ultraviolets sont les plus importants présentent des individus à peau plus foncée ; à l’inverse, dans les régions où les radiations sont les plus faibles, on retrouve les individus à peau plus claire, ce qui favorise la synthèse de la vitamine D et empêche le rachitisme » Gourjon G., Degioanni A., « Couleur de peau et classification biologique » in Albert J.-P., Andrieu B., Blanchard P., Boëtsch G., Chevé D. (s/s la dir.de), Coloris Corpus, CNRS, 2008, p.97. [5] Langaney A./ Clottes J./ Guilaine J./ Simonnet D., op.cit., pp.24-25. [6] Ibid, pp.25-26. [7] Ibid, p.60/66. [8] Geoffroy-Schneiter B., Parure ethnique. Le culte de la beauté, Assouline, 2001, p.4. [9] Ibid, p.5. [10] Dans le poème « ma bohème » de Rimbaud, le poète parlait de « souliers blessés », pour imager l’état de pauvreté. A mon tour, je parle de vêtements blessés en opposition à ceux épargnés, pour faire référence aux nombreuses personnes qui n’ont pas les moyens et la possibilité d’avoir des vêtements propres, ajustés, et neufs. [11] « L'anthropologue Marcel Mauss répartit l'espèce humaine en deux grandes catégories selon le type de vêtement : l'humanité drapée qui appartient d'abord aux civilisations des pays chauds et l'humanité cousue qui domine dans les régions froides en ajustant au plus près du corps les vêtements par la couture afin de lutter contre le froid et faciliter l'équitation ». Varagnac A./Chollot-Varagnac M., Les traditions populaires, PUF, 1978, p.411. [12] Si le cœur vous en dit, vous pouvez réaliser un voyage photographique en terre d’humanité, à la rencontre de certains peuples racines, je vous recommande les ouvrages suivants : Anne de Vandière, Tribu/s du monde, Intervalles, 2016 ; Jimmy Nelson, Les dernières ethnies, teNeues, 2016. Pour un voyage en lecture, je vous recommande les ouvrages de Patrick Bernard, Tribus en sursis, Anako/pages du monde, 2005 ; Frederika Van Ingen, Sagesses d’ailleurs pour vivre aujourd’hui, Arènes, 2016. [13] L’expression « Gardiens de Mère Nature », est inspirée de l’’Alliance des Gardiens de Mère Nature ; Alliance créée pendant la COP21, rassemblant plusieurs leaders indigènes du monde, dans le but de protéger et préserver la vie sur la planète et celle des générations futures. Pour plus d’informations, consulter le site internet : http://allianceofguardians.org/fr/. [14] La théorie de la « Pangée » a été créée par Alfred Wegener, météorologue allemand, qui stipula en 1912 que tous les continents ne formaient qu’un seul continent au départ. Une thèse acceptée aujourd’hui dans le monde scientifique. [15] Il y a plusieurs façons de découper les continents. Parfois, l’Amérique du Sud et du Nord sont considérés comme deux continents séparés. D’autres fois encore, l’Europe et l’Asie, sont considérées comme un même continent. Puis il y a aussi l’Antarctique, considérée parfois comme un continent, même s’il est inhabité par l’Homme. [16] Yves Coppens explique qu’« à travers le temps et l’espace, il s’est formé une diversité d’espèces dont l’origine africaine, tropicale, à partir de 3 millions d’années est incontestable et unique. (…) Si nous avons fabriqué des choses différentes en fonction à la fois de l’espace et du temps, c’est simplement pour nous installer dans des milieux divers », in Thuram L., Manifeste pour l’égalité, Autrement, 2012, p.50/p.55. [17] Happinez Magazine n°21, « La voie du cœur », Oracom, 2016 p.8-12/ Texte adapté de Wade Davis et Eduardo Galeano, We are one : a celebration of Tribal Peoples, Survival International. pp.8-13. [18] Diène D., « De la diversité au pluralisme » in Thuram L., Manifeste pour l’égalité, Autrement, 2012, p.148.

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